mardi 5 avril 2011

Croire en Gourcuff...


Depuis le Mondial sud-africain et les diverses campagnes de dénigrement qui s’ensuivirent à l’égard des joueurs (certaines plutôt méritées, d’autres excessives), n’épargnant pas un Yoann Gourcuff pourtant si discret dans toute cette affaire, le jeune meneur de jeu breton semble se recroqueviller, se faire tout petit, petit.


« Mes analyses techniques vous énervent? Okay, désormais je parlerai le moins possible aux médias. Mon physique de top model vous rend malade? Okay, je vais la laisser en friche, ma belle gueule de minet. Mes roulettes et doubles contacts en agacent certains? C'est noté, je ne les infligerai plus. Je vais devenir un joueur tout ce qu’il y a de plus ordinaire, dans le seul espoir qu’on veuille bien me laisser tranquille un jour… M’oublier un peu et me laisser simplement jouer au foot, même si ça doit être moins bien qu’avant. » Yoann Gourcuff n’a jamais prononcé de tels mots… Mais il se comporte et joue au foot comme s’il les avait dits.


Loin d’un Cantona qui avait carrément besoin de conflits pour se sentir exister, différent d’un Zidane aussi peu bavard mais qui, plus sociable et décontracté que Gourcuff, cachait derrière cette bonhomie un tempérament de feu qui n’avait rien à envier à Canto, Yoann n’a en quelque sorte pas assez de défauts pour garder la force de se développer quand les épreuves s’accumulent. Il est manifestement doux, sensible, solitaire, et on peut se douter qu’un tel tempérament n’aide pas à assumer à la face du monde des qualités aussi enviables que l’intelligence, un physique agréable et un potentiel technique fabuleux balle au pied. Depuis le cataclysme de Knysna, il les enterre ces qualités. Il les cache tristement. On peut même supposer qu’il les accuse à tort des critiques dont il souffre, ce qui engendre forcément un cercle vicieux. Mais à quel sous-sol se trouvent-elles désormais, ces qualités? Reverront-elles la surface un jour ? Que sont donc devenus ces buts extraordinaires qui respiraient la confiance et le talent pur, il y a deux ans, contre le PSG, la Roumanie… Que faudrait-il rectifier, à Lyon d’abord, pour aider Yoann Gourcuff à se débloquer, se sortir de cette coquille où son talent s’est endormi? Où est, où sont, le ou les dernier(s) problème(s) dont la résolution pourrait accélérer ce lent retour à son meilleur niveau?


Ses équipiers lyonnais ?


Sur le plan humain, son problème à Lyon ne vient sûrement pas de là. Perturbé par les dents très longues et manières spartiates du vestiaire au Milan AC (comme dans tout grand club européen où la pression sportive et financière est énorme, sans doute), Gourcuff souriait sereinement à l’annonce de son transfert de Bordeaux à Lyon. Il quittait cette fois un vestiaire acquis à sa cause pour un autre assez comparable, où il savait pouvoir retrouver « des bons mecs » avec qui s’entendre, selon ses termes. Dans l’effectif lyonnais, Kallström et Briand sont de vieilles connaissances rennaises. Lloris et Toulalan sont des amis, avec qui les déboires des Bleus ont renforcé les liens. Même Lisandro Lopez, réputé si taiseux et ombrageux, a eu récemment des paroles sympathiques et encourageantes dans France Football pour son meneur de jeu.


Sur le terrain c’est autre chose. En Gironde, tout Bordeaux tournait autour de lui, ne jouait que pour lui, et Gourcuff s’en émancipait d’autant plus dans son rôle de maître à jouer. Les Bordelais le recherchaient systématiquement du regard sur le terrain, et le milieu breton le leur rendait bien, répondant à cette grande confiance tactique placée en lui par des passes décisives et des buts rarement vilains. A Lyon c’est différent… Peut-être moins flexible, surtout sous l’ère Puel.


Le coach de l’OL ?


Yoann Gourcuff ne s’en est pas caché : sa vision du foot est plus proche de celle de Laurent Blanc que de celle de Claude Puel. Dans le système Puel, l’individu doit s’effacer derrière le « bloc-équipe ». Cette vision du football a fonctionné à Monaco et plus particulièrement à Lille, car les egos d’une équipe assez « familiale » comme le LOSC doivent être généralement dans la bonne moyenne, ni à « booster » ni à réfréner. A Lyon, quoi qu’en disent les différents acteurs lyonnais par solidarité de façade, ce discours n’est jamais vraiment passé.


La mayonnaise ne prend pas. Elle ne prendra sans doute jamais, et chacun connaît l’alternative inéluctable dans ce cas-là : changer pratiquement tous les joueurs, impossible, ou l’entraîneur, quelle que soit la compétence intrinsèque des uns et de l’autre, la sympathie qu’ils peuvent inspirer isolément. Autrement dit, Claude Puel est à l’évidence un grand bosseur du foot, un très bon entraîneur, mais pas celui dont l’OL avait besoin après Alain Perrin. Pour faire un parallèle avec l’éducation nationale, un instituteur d’école primaire est un pédagogue d’une importance égale à celle d’un directeur de thèse ; mais au lieu de choisir le second, au lieu d’affiner encore un jeu à une touche de balle sept fois champion de France, Jean-Michel Aulas a pensé que l’Olympique Lyonnais devait revenir aux fondamentaux. Mauvaise pioche.


Il y a donc quelques magiciens du ballon qui s’ennuient un peu à l’OL, jouant souvent en dessous de leur niveau (Ederson, Pjanic, dans une moindre mesure Bastos...), et Gourcuff en fait partie. Ses contre-performances sont toutefois particulièrement exposées en France du fait de sa nationalité, de son transfert éminemment coûteux et des preuves de talent qu'il donnait il y a deux ans. On en a fait une star trop vite, au risque de le "cramer", ce qui l'agaçait tout autant que les critiques incessantes d'aujourd'hui.


L’équipe de France ?


Mais peut-on dire pour autant que Gourcuff semble revivre dès qu’il joue à nouveau sous la houlette de Laurent Blanc, en équipe de France ? C’est en Bleu qu’il revoit les cicatrices de Knysna au plus près… On a d’ailleurs pu constater, lors du retour d’Evra et de Ribéry, que Gourcuff n’était pas le seul joueur encore « contaminé » par la honte du fiasco sud-africain, bien que le Mancunien et le Munichois affichent moins d’états d’âme que le Lyonnais en club, sans doute moins sensibles et mieux utilisés.


On peut affirmer malgré tout que, sans tutoyer les sommets de ce qu’il sait faire, le rendement de Gourcuff est indiscutablement meilleur en équipe de France qu’à Lyon. La preuve ? Regardons les statistiques françaises de l’Euro 2012. On a beau parler surtout du retour en forme de Benzema grâce à un « effet Mourinho », Yoann Gourcuff est le meilleur buteur français de la phase qualificative de l’Euro 2012. 3 buts marqués en 196 minutes de jeu, ce qui le classe 12ème buteur de la compétition sur les 202 joueurs européens classés. Pas trop mal, pour un milieu de terrain tant critiqué. C’est mieux que Cristiano Ronaldo (2 buts en 180 minutes), Ibrahimovic, Nani, Özil, Iniesta, Pirlo, Dzeko, Olic, Müller… Le deuxième meilleur buteur français de la compétition, Karim Benzema, a marqué 2 buts en 329 minutes.


Que déduire de tout cela ?


Gourcuff gravit à nouveau les échelons de son talent, si doucement que l’impatience et les critiques vont continuer à pleuvoir de temps en temps… Mais l’arrivée d’un gourou du beau jeu à l’Olympique Lyonnais est sans doute le dernier coup de pouce qu’il lui manque pour briller de mille feux à nouveau.


Source: Football.fr (lichabomba)

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